Une histoire pluriséculaire

Dès la Renaissance, François Ier établit une Université à Angoulême et un collège s’installa en 1541 dans des bâtiments situés en face de l’évêché. En dépit des troubles liés aux guerres de religion, l’école put s’organiser et s’agrandir. Il n’ y avait cependant que des classes allant de la 6e à la fin de la 3e : le latin était la matière privilégiée et les sciences négligées. C’est pendant cette période que Jean-Louis Guez de Balzac, écrivain et principal artisan de la rénovation de la prose française, fut élève de l’établissement qui porte son nom depuis 1962.

Le collège, appelé « collège Saint Louis » passa sous la direction des Jésuites de 1622 jusqu’à la dissolution de leur ordre en 1762. Par un arrêt du Parlement de Paris (1761), il leur fut interdit d’enseigner et aux familles d’envoyer leurs enfants dans les collèges de Jésuites. Avec leur départ en 1762, le collège entra en décadence. Son enseignement fut réduit à la langue latine ; la physique disparut ; seule l’éducation religieuse ne fut pas négligée.

Avec la Révolution et sous le Directoire, en raison de la situation politique troublée, le collège déclina encore. Cependant, en 1795, la Convention vota deux lois qui dégageaient l’instruction publique de toute tendance confessionnelle. Des « Ecoles centrales » à Paris et dans les départements prirent la place des anciens collèges. Celle d’Angoulême s’installa dans l’ancienne sacristie de l’église Saint Pierre. Le nombre d’élèves s’éleva jusqu’ à 200. En 1799, les bâtiments de l’abbaye de Beaulieu, situés à l’extrémité du promontoire dominant la vallée de la Charente, devenus biens nationaux, furent attribués à l’école. Pour leur aménagement, des travaux urgents furent décidés et durèrent jusqu’en 1803. Mais il fallut 40 ans pour reconstruire entièrement l’édifice.C’est dans ces bâtiments que le lycée se trouve encore.

Napoléon résolut de donner à l’Etat le monopole le l’enseignement et de l’éducation : l’établissement, réorganisé en 1810, ne cessa de progresser depuis cette époque et atteignit à nouveau une moyenne de 200 à 210 élèves. Lycée à partir de la Révolution de 1848, puis lycée impérial en 1852 (on en devine encore l’inscription au sommet de la grande porte d’entrée), l’école accueillit encore plus d’élèves grâce aux agrandissements successifs auxquels la ville procéda.

Sous la Troisième République le lycée continua à se développer sans rien perdre de ses traditions : journées rythmées par les roulements du tambour (jusque dans les années 30), blouse noire ou grise des élèves, habit strict des professeurs, solennité des compositions et de la proclamation des résultats ; un mode de vie qui conférait à l’école

son identité et sa réputation. 
La scolarité, d’une durée de sept ans de la 6e à la Terminale, débouchait sur le baccalauréat à l’issue de la classe de philosophie ou de mathématiques élémentaires.
S’adressant à une catégorie sociale, celle de la bourgeoisie, mais recrutant aussi dans des milieux plus modestes grâce au système des boursiers, le lycée demeura jusqu’à la deuxième guerre mondiale un établissement éducatif de premier ordre.

Depuis, le lycée a conservé sa renommée mais bien des choses ont changé : les effectifs ont continué à croître (de moins de 500 en 1950, ils sont passés à près de 1200 élèves). L’enseignement s’est démocratisé et s’adresse à un plus grand nombre. Les classes de premier cycle (de la 6e à la 3e) ont disparu tandis que se sont adjointes au second cycle (secondes, premières, terminales) des classes préparatoires.


Qui était Jean-Louis Guez de Balzac (1597-1654) ?

Guez de Balzac compte parmi les écrivains ayant le plus contribué à réformer la langue française. Il était le fils du maire d’Angoulême, Guillaume Guez, qui fut anobli et prit le nom du fief de Balzac, au bord de la Charente, où il fit bâtir son château.

Il étudia chez les jésuites, à Angoulême puis à Poitiers dont il fréquenta l’Université. Guez de Balzac entreprit ensuite, en 1612, des études à l’Université de Leyde. Après avoir passé deux ans à Rome entre 1621 et 1623, il vint à Paris où il s’était fait connaître par ses lettres qui, adressées à ses connaissances et aux personnages importants de la cour, lui firent une grande réputation. Richelieu le remarqua et lui fit donner la fonction d’historiographe et le brevet de conseiller du roi.

  Paru en 1624, le premier volume de ses Lettres lui valut d’emblée les plus grands éloges. Surnommé « le grand épistolier », il devint l’oracle de l’hôtel de Rambouillet, côtoyant entre autres, Chapelain et Malherbe. Son naturel vaniteux s’accommodant toutefois mal tant des attaques incessantes contre ses ouvrages que des polémiques de la vie littéraire parisienne, il se retira dans sa terre de Balzac où il put satisfaire son humeur sombre en se livrant presque entièrement à des exercices de piété qui le firent nommer l’« ermite de la Charente ». Ceci ne l’empêcha pas de continuer à correspondre activement avec ses amis parisiens et de rester l’arbitre du bon goût en matière de style.

Il paraît avoir été inscrit d’office à l’Académie française en mars 1634, ce qui en fit un des premiers membres bien qu’il n’y ait probablement jamais siégé. Sa retraite à Angoulême l’y fit dispenser de la résidence. Il y fonda néanmoins le premier prix d’éloquence.

Guez de Balzac distribua sur la fin de sa vie tous ses biens aux œuvres de charité avant de se retirer au couvent des capucins d’Angoulême où il mourut, léguant 12 000 livres à l’hospice d’Angoulême. Son tombeau se trouve dans la chapelle de l’hôpital à Angoulême.

Les œuvres de Guez de Balzac se composent de Lettres ; de Discours, d’Entretiens, de Dissertations littéraires, de petits traités, dont les principaux sont Aristippe ou la Cour, une réflexion sur le machiavélisme ; le Prince, une apologie de Louis XIII et de Richelieu ; le Socrate chrétien, essai de doctrine et de morale religieuses ; de quelques poésies françaises et de vers latins.

La réputation actuelle de Balzac se fonde essentiellement sur ses Lettres dont un premier recueil parut en 1624 et un second en 1636 : on y rencontre une élégance et une harmonie jusque-là jamais rencontrées dans aucun ouvrage en prose de langue française. Il peut à bon droit être crédité d’avoir réalisé pour la prose une réforme parallèle à celle de Malherbe pour la poésie.

Depuis 1962, son nom a été donné au Lycée Guez de Balzac d’Angoulême.


 » Descendant par sa mère d’une dynastie de robe, élève de Nicolas Bourbon, initié à la fois à l’humanisme de Leyde et de Rome, [Guez de Balzac] avait connu, dans l’entourage de la Reine mère et de d’Epernon les diverses nuances du goût de la Cour. Sa prose dosait savamment les recherches d’horizons fort différents. Elle pouvait plaire, et elle plut […]. Tenant compte des leçons de Malherbe, Balzac osait conférer à sa prose les qualités de douceur et de musicalité qui flattaient les oreilles des délicats. Il osait recourir, en les colorant d’ironique urbanité, à des figures d’hyperbole qui reflétaient la civilité complimenteuse de règle à la Cour. […] Encore fallait-il pour saisir cet art de l’allusion, être initié à « l’air de la Cour » : en prenant son parti de « l’amour propre » que les dévots dénonçaient à l’envi, il s’en parait et il le flattait autant comme une plaie secrètement douloureuse que comme un vêtement de cérémonie ; et la « vanité des paroles » était cultivée par lui avec la mélancolie ironique de qui n’ignore rien du fond du jeu. Il fallait pour sentir ce double fond être fait à la rencontre, dans les mêmes salles des Palais royaux, d’hommes d’Etat et d’hommes d’Eglise « qui savent » et de la foule des badauds titrés. Ceux-ci firent fête à [Guez de] Balzac, mais il obtint aussi et surtout le patronage de hauts prélats tels Richelieu et La Valette, de « saints » tels Copeau et Bérulle, de grands seigneurs tel d’Epernon. Des amitiés si haut placées et si diverses le mettaient à l’abri des mésaventures de l’imprudent Théophile [de Viau], protégé du seul clan Montmorency. Les Lettres de Balzac offraient à la Cour de Louis XIII et de Marie de Médicis un miroir à la fois flatteur et souriant en apparence, lucide et mélancolique en secret. » 

Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence, Droz, 2002, p. 544.